20 juin, 2015

Le Bèlè de Martinique, à la rencontre de la culture Afro-Caraïbéenne.

Chez CurlyMari, nous aimons ce qui est authentique. Les Antilles, c'est bien-sûr le soleil, la plage, les accras, le boudin... Les Antilles c'est aussi la musique.
Vous connaissez sans doute la Capoeira du Brésil. Á la Martinique, l'héritage musical venu de "la terre mère" se nomme le bèlè (le bel-air).

Musique rurale, peu considérée il y a encore quelques temps, la réappropriation de leur culture par les descendants d'esclaves a donné lieu à la résurgence du bèlè et de la danse qui l'accompagne.

Nous sommes partis à la rencontre de Mamou Orsinet-Florimond. Radio, site internet, au travail, le bèlè rythme sa vie. 
Pour cette première interview, rencontre avec une battante comme nous les aimons chez CurlyMari !

Bonjour Mamou, peux-tu nous dire d’où te vient cet amour pour le Bèlè, cette envie de défendre et faire perdurer la  tradition martiniquaise ?

J’ai découvert le Bèlè en 2005, du moins le Bèlè est venu  me trouver ! C’était  à l’occasion d’une Swaré Bèlè organisée par Lékol Bèlè (une association qui est basée sur Ivry et qui fêtera ses 25 ans cette année). En sortant de là, après être restée assise de 21h à 1h du matin à écouter les Tanbou Bèlè, à regarder les « Danm Bèlè » et les « Kavalyé « évoluer, à apprécier  le « balan » de « Lavwa dèyè » (chœurs) et la profondeur de « Lavwa douvan » (chanteur-se) , les pulsations du ti-bwa, je me suis dit : « C’est ça ! Voilà ce que je veux faire ! »
J’ai été une élève de cette association puis je suis devenue membre et animatrice à Boukan (Issy-les-Moulineaux).

Le Bèlè est depuis devenu une passion viscérale que je défends le troisième dimanche du mois depuis  septembre 2013 sur RFPP (106.3) dans l’émission Kòn Lanbi « An Paj Bèlè ». Avant cela, j’ai  passé deux saisons sur Tropiques FM dans le Bouillon Kiltirel de Dominique Tauliaut. J’ai un site internet qui met en avant cette Culture-Racine et qui fait la promotion des différents événements ainsi que le travail des associations dans l' Hexagone.
J’essaye d’apporter ma modeste contribution à la pérennité de cette culture qui se renforce et s’enrichit de plus en plus.
Enseignante également en élémentaire depuis presque 15 ans, je propose à mes élèves de découvrir cette culture chaque année. Chaque classe bénéficie d'une initiation au conte, au chant, à la danse et à la musique. Si on fait une moyenne, ce sont plus de 350 enfants toutes origines et toutes classes sociales confondues qui auront été initiés ! ^_^

Si nous ne le faisons pas, personne ne le fera à notre place…

Mais en fait qu'est ce que le Bèlè ?


Le Bèlè tire son origine de l’Afrique, mais c’est dans le contexte de la Martinique qu’il a été développé par les esclaves puis prolongé et consolidé dans les campagnes par leurs descendants paysans et ouvriers.
Le Bèlè est une culture à part entière. C’est un terme générique qui désigne à la fois : le genre musico-chorégraphique (musique, danse et chants), l'instrument (le tambour Bèlè), le contexte (la Swaré Bèlè) et de manière générale, une façon d'être ensemble et des valeurs: solidarité, partage et résistance culturelle (le « yonn-a-lòt »).
On y trouve différents répertoires rythmant le quotidien : Bèlè Linò (Sainte-Marie), Bèlè Baspwent (Basse-Pointe), Bèlè Lisid (Anse D’Arlets), Chan Travay (comme le Lafouy-Tè), Lalinklè (Kalennda, Kannigwé, Bénézwèl, Woulé Mango, Mabélo, Ting Bang)*.
Toute cette pratique perdure aujourd’hui grâce aux associations de Martinique et de l’Hexagone qui font un fabuleux travail de transmission.

Soirée Bèlè
2012 Schoelcher, Martinique

Le ladja (ou danmyé), danse de "combat" qui accompagne le bel-air est moins connu que la capoeira en France. Le Brésil est bien-sûr plus grand et a sans doute plus de moyens pour  valoriser sa musique auprès du public en France. Pourtant, ne penses-tu pas qu’avec une meilleure organisation, le Bèlè a les moyens et les qualités pour se faire connaitre et avoir une plus large audience ?



Comparer la capoeira et le ladja est juste en soi car ce sont des danses de lutte que l’on peut considérer comme des arts martiaux à part entière. En ce qui concerne leur visibilité, les contextes sont différents.
Le Bèlè a une histoire particulière dans la mesure où il a périclité puis a connu un nouvel essor dans les années 80. Il était considéré comme un « bagay vié nèg » puisque ce sont surtout les gens des mornes qui le pratiquaient. Il a retrouvé ses lettres de noblesse lorsqu’Aimé Césaire a invité TI-Emile « en ville » (Fort-de-France) pour qu’il enseigne cette culture au Sermac, entre autre. Il a aussi été utilisé comme une culture de revendication et s’est donc fait connaître au grand public.
Aujourd’hui il est une matière présentée au baccalauréat, c’est aussi une formation diplômante, il est présent dans certains conservatoires et est reconnu comme la Culture-Racine de Martinique. Petit à petit il prend la place qui lui revient.

Depuis quelques années, il existe en Martinique une Coordination Bèlè qui participe à la promotion, la valorisation et la transmission de cette culture. Cette coordination a pour objectif de définir les cadres et de faire respecter les codes du Bèlè afin qu’il conserve toute sa cohérence. Elle établit également un calendrier des Swaré pour que chacun sache où et quand le pratiquer dans une parfaite cohésion.
En Hexagone, on peut considérer que la présence du Bèlè est récente. Les plus anciennes associations, Boukan et Lékol Bèlè, n’ont que 25 ans d’existence. Elles sont pourtant bien présentes et surtout actives, et le travail des associations plus jeunes à leurs côtés aident à promouvoir le Bèlè. (Bèlèspwa, Makpitak, Bèlè Set Art, Tanbou Madinina, Les Flamboyants du Mée, Fusion Bèlka)

An Paj Bèlè a d’ailleurs pour vocation de les mettre en valeur, de faire connaître leurs actions et de permettre au public de se rapprocher d’elles, de centraliser les dates de leurs événements pour une plus grande transparence. C’est aussi le moyen pour moi de faire découvrir au public la relève Bèlè, avec des chanteurs comme Christophe Frontier ou encore le nouvel album d’une association francilienne Fusion Bèlka, de partager l’histoire de cette culture, de revenir sur ses fondamentaux et sur les grandes figures disparues ou vivantes qui contribuent à la richesse du Bèlè.

Le Bèlè a assurément la volonté aujourd’hui et les qualités pour se faire « re-connaître ». Il manque probablement des moyens financiers et matériels. Cependant, les associations œuvrent en ce sens : le renouveau est d’ailleurs en marche depuis quelques années ! Tout est question d’organisation et j’ai foi qu’un jour il sera reconnu par les non-initiés à sa juste valeur.


Danmyé & Kayékh(Sénégal)*
2015 Lamentin, Martinique 



Nous sommes sur un blog qui parle entre autres de cheveux donc une question: est-ce que le fait de garder tes cheveux tels qu'ils sont, c'est à dire "au naturel" a  une signification pour toi?



Porter mes cheveux « naturels » (et préciser cela pour moi est une aberration) me permet juste d’être moi et de respecter fondamentalement la femme noire que je suis. Il n’y a aucune revendication juste un profond respect de mon identité afro-caribéenne.


Merci Mamou.


  • Retrouvez Mamou en direct tous les 3èmes dimanche du mois sur 106.3(RFPP) à partir du  20 septembre 2015  de 16h à 17h.

* Carte des différents foyers de bel-air en Martinique: http://www.anpajbele.fr/le-b%C3%A8l%C3%A8/g%C3%A9n%C3%A9ralit%C3%A9s/les-foyers-du-b%C3%A8l%C3%A8/


N.B: Gwoka, Maloya, Kasékò, on ne vous oublie pas...

. photo de Brigitte Costa-Léardée

* vidéo studiopen,studio social et solidaire

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